22/06/2025

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Taiwan aujourd'hui

La CCIFT, rampe d’accès à l’entreprenariat

01/01/2014
Adriana Archambault, directrice de la CCIFT. (PHOTO DE L’AUTEUR)
« La particularité de la chambre française réside dans un partage à parts égales entre grosses sociétés, petites et moyennes entreprises et entrepreneurs. Nous sommes différents de la Chambre de commerce européenne qui rassemble une majorité de grands groupes qui ont besoin d’exercer une activité de lobbying auprès du gouvernement taiwanais », précise d’emblée Adriana Archambault, la directrice de la Chambre de commerce et d’industrie France-Taiwan (CCIFT). Ici, nous sommes sur d’autres problématiques. C’est aussi pour cette raison que seuls 60% de nos membres sont français, les autres étant taiwanais ou d’ailleurs ». Fondée en 1991 et forte de plus de 160 membres, elle fait partie du réseau mondial des chambres de commerce françaises (UCCIFE) et, comme toutes les chambres de commerce, elle contribue au développement des relations entre partenaires français et locaux et facilite les investissements de part et d’autre. Mais à Taipei, elle participe aussi activement à l’éclosion de micro-entreprises. C’est d’ailleurs ce qui fait sa spécificité locale.

Un marché mûr et des coûts compétitifs

Aujourd’hui, c’est le centre d’affaires de la CCIFT qui représente l’une des fonctions principales de la chambre. Créé en 2011, ce service de domiciliation, qui fonctionne comme une pépinière d’entreprises, héberge maintenant une vingtaine de PME. Face à une demande croissante, la CCIFT a développé une gamme de services d’aide à la création d’entreprise. « Pour nous, cette particularité est le résultat d’une évolution naturelle qui est liée à la structure économique de Taiwan. C’est aussi par l’intermédiaire du centre d’affaires que nous sommes devenus une plateforme pour PME », note Stéphane Peden, qui est en charge du développement de l’activité au centre d’affaires et spécialiste de la création d’entreprises à Taiwan. La directrice définit de son côté la mission de ce centre comme celle d’un accompagnement qui se situe toutefois au-delà de l’incubateur d’entreprises. « Les entrepreneurs qui sont chez nous ont une idée de ce qu’ils vont faire et sont déjà prêts à monter leur société », souligne-t-elle.

Si l’île est connue dans le monde pour ses produits de haute technologie, son modèle économique et son tissu dense de PME réactives et flexibles, elle attire par ailleurs une certaine catégorie d’entrepreneurs et d’entreprises, dont le centre d’affaires est en quelque sorte le miroir. « Ces PME, détaille Adriana Archambault, s’intéressent au marché local parce qu’il est sophistiqué, mûr et qu’il peut facilement faire office de marché test, de premier pas en direction du marché chinois. Par ailleurs, analyse-t-elle, certaines sociétés s’installent à Taiwan pour rayonner sur la zone. C’est le cas d’un grand nombre de nos membres. » Et comme le précise Stéphane Peden, « les liaisons aériennes directes entre les deux rives mettent les principales villes chinoises à trois heures de vol de Taipei où les coûts structurels par rapport aux autres pays de la zone sont les moins élevés ! » A titre de comparaison, le centre d’affaires de la CCIFT ne réclame aux micro-entrepreneurs que deux mois de caution pour leur domiciliation, à l’inverse de son homologue de Séoul qui en réclame entre quatre et six. La capitale coréenne est par ailleurs beaucoup plus chère que Taipei, la location d’une surface de bureaux en Corée nécessitant en plus le dépôt d’une caution d’un an. Enfin, les PME françaises se rendent compte aujourd’hui qu’il est de plus en plus ardu de s’implanter sur le marché chinois. « Un pays énorme et difficile, souligne Adriana Archambault qui note qu’à Taiwan, les gens ont reçu une éducation à l’occidentale et maîtrisent cette double mentalité. Ici, ajoute-t-elle, la valeur d’un contrat n’est pas la même qu’en Chine et pour ces PME qui arrivent de France ou d’Europe, il est plus simple et plus sûr de travailler avec des Taiwanais qu’avec des Chinois. »

Selon les chiffres du ministère français des Affaires étrangères, au 31 décembre 2012, 1,6 million de ressortissants français étaient inscrits au registre mondial des Français établis hors de France, dont 7,8% en Asie-Pacifique. A Taiwan, ils étaient 1 610, contre 7 305 au Japon, 2 054 en Corée et 30 787 en Chine. Les Français ne sont pas nombreux à choisir de s’implanter à Taiwan. « On n’y vient pas par hasard, note Stéphane Peden. Ce sont des gens qui ont quitté la France pour aller vers l’Asie, mais dans sa dimension chinoise, et face à une Chine qui se ferme, ils s’aperçoivent que Taiwan est compétitif dans son offre. Il n’y a pas de profil type, ça va du carrossier au boulanger en passant par le spécialiste des technologies de l’information et le marchand de thé. Ce sont des gens qui connaissent Taiwan, qui comprennent la mentalité locale et qui parlent déjà un peu chinois ! » Adriana Archambault confirme : « Si la crise européenne nous a amené un petit peu plus de demandeurs d’emploi et de stage, parce que les écoles de commerce françaises poussent maintenant les étudiants à aller vers l’Asie, nous n’avons pas noté d’augmentation soudaine ou forte ». En somme, ceux qui, un beau matin, ont déplié la carte du monde pour se dire subitement « Et pourquoi pas Taiwan pour monter ma boîte ? » ne se distinguent pas par leur nombre.

Taiwan, paradis de la micro-entreprise ?

Une fois séduits par la qualité de vie locale et la gentillesse des Taiwanais, souvent à l’issue d’une première expérience en stage ou à l’université, ou alors convaincus de l’intérêt économique de s’implanter à Taiwan, les micro-entrepreneurs n’ont pas trente-six solutions pour créer une structure pérenne. Dans cette perspective, le centre d’affaires de la CCIFT semble être une rampe d’accès solide et sûre. « Pour les Français qui souhaiteraient s’installer ici, l’éventail des possibilités peut paraître plus restreint qu’ailleurs dans la région, dit Adriana Archambault. Soit nous les aidons à trouver un emploi, puisque nous avons une délégation de service public qui nous a été attribuée par le Bureau français de Taipei [la représentation française], soit nous les aidons à créer leur entreprise. »

En effet, la CCIFT a su répondre à un besoin clairement identifié de la communauté d’affaires française ou francophone à Taiwan. A tel point que de nouveaux locaux ont été inaugurés en mai 2013 au centre de Taipei. Très bien desservi par un réseau de transports en commun performant et situé sur une artère centrale, le centre d’affaires a vu sa surface doubler avec de grandes salles de réunion, quatre bureaux paysagers et cinq bureaux fermés. « Aider à la création juridique de l’entreprise fait partie des services que nous facturons mais nous donnons aussi des conseils gratuitement. On essaye d’être flexible et d’accompagner au mieux la personne, explique Stéphane Peden. Nous avons aussi une série d’ateliers spécialement conçus pour les entrepreneurs mise en place depuis quatre ans, et dans le cadre de ce programme, nous les accompagnons en dix sessions sur différents points utiles pour fonder ou développer leur entreprise. » Et depuis deux ans, le centre d’affaires offre également aux micro-entrepreneurs des formations gratuites (à condition d’être membre, ou Français, ou d’avoir un projet en lien avec la France) et ciblées pour maîtriser par exemple la rédaction d’un business plan ou connaître les secrets de la responsabilité légale des entreprises en droit taiwanais. « On leur propose d’acquérir de nouvelles compétences », signale Stéphane Peden. Au cours de ces ateliers, les micro-entrepreneurs peuvent échanger autour de leurs expériences communes et se soutenir dans l’épreuve. « C’est très structurant, psychologiquement utile, et surtout, le fait de pouvoir communiquer entre étrangers aide à faire évoluer le projet », note Adriana Archambault.

A l’inverse, se lancer seul dans la création d’une entreprise de droit taiwanais peut se révéler une aventure fastidieuse. « Pour un micro-entrepreneur, monter une société à Taiwan n’est ni fiscalement ni légalement aussi intéressant qu’ailleurs dans la région », souligne le responsable du développement qui s’est longuement penché sur la question. En effet, il faut un capital de départ de 500 000 dollars taiwanais pour que la structure ainsi créée puisse permettre à son représentant d’obtenir un permis de séjour. A l’issue de la première année, il faut justifier de 3 millions de dollars taiwanais de chiffre d’affaires pour conserver cette possibilité légale. C’est donc le titre de séjour qui pose problème et c’est pour échapper à ces conditions drastiques que la grande majorité des entrepreneurs étrangers montent une société-mère à Hongkong qui signe les contrats et facture pour Taiwan ou la Chine, puis créent un bureau de représentation à Taiwan au nom duquel peut leur être délivré un titre de séjour.

Un des ateliers destinés aux micro-entrepreneurs. (AIMABLE CRÉDIT DE LA CCIFT)

L’équation du succès

Dans ces conditions, le centre d’affaires de la CCIFT, avec son cortège de services et son ambiance rassurante de pépinière d’entreprises, semble faire partie de l’équation du succès. « Le centre d’affaires a été très important pour moi parce qu’il m’a permis d’éviter tous les problèmes de logistique, déclare Christian Laudet, qui a monté une société de design et de gestion de produits. J’ai pu gérer depuis la France par téléphone l’implantation physique des bureaux ici, le temps d’arriver. On a trouvé à la CCIFT un accueil qui nous a permis d’être opérationnels en deux jours. On avait le téléphone, l’Internet, la machine à café et les contacts. Le fait de ne pas avoir à chercher des contrats de location sur un an, cela a été une aide particulièrement précieuse. Le fait aussi d’arriver dans un milieu de gens qui ont déjà cette expérience-là, c’est quelque chose de très appréciable et qui permet d’aller plus vite ! » Même enthousiasme chez Corentin Joyeux, ancien volontaire international en entreprise qui est en train de fonder pour Bio Planète un bureau de représentation à Taiwan. « J’ai choisi de m’installer dans la pépinière d’entreprise de la CCIFT parce que c’est une solution confortable et très intéressante. Pour 22 000 dollars taiwanais par mois, j’ai en plus accès aux avantages pour les membres, dont les séminaires de formation », raconte-t-il. Pour David Pillot, qui représente à Taiwan Plaisir Selection International, une entreprise de vins et spiritueux qui vend dans toute l’Asie, la solution de domiciliation offerte par le centre d’affaires de la CCIFT est idéale : « D’abord, il y a toujours quelqu’un pour recevoir mes colis, ce qui n’est pas le cas dans les autres centres de domiciliation. Ensuite, il y a de grandes salles de réunion à disposition, ce qui permet de recevoir des clients ailleurs que dans un box exigu, et ça, c’est capital ! Enfin, c’est un environnement idéal pour construire ses réseaux au début, notamment parmi les sociétés francophones, et pour mieux appréhender son marché. J’y suis depuis deux ans, c’est sécurisant et cela simplifie énormément les choses », raconte-t-il.

Une réussite qui prend du temps

Le centre d’affaires existe depuis maintenant trois ans et il a déjà permis d’accoucher de projets viables, même s’il est encore un peu tôt pour se prononcer dans la mesure où, note Stéphane Peden, la troisième année est justement la plus critique dans la création d’entreprise. « Christian Laudet et sa société de design de produits sont un bel exemple de réussite, Fabien Vergé et son restaurant gastronomique La Cocotte également. C’est aussi le cas de la société Toro, énumère Adriana Archambault. Toro a été fondée par deux jeunes Français qui ont quitté leur poste chez FIME pour s’associer et créer une entreprise spécialisée dans les solutions de paiement sans contact. Ils sont passés par le centre d’affaires de la CCIFT et ont aujourd’hui fondé une filiale à Barcelone, en Espagne.

Y a-t-il donc un secret de la réussite micro-entrepreneuriale à Taiwan ? « La personne qui n’a pas de volonté spécifique de s’installer ici ou qui ne s’intéresse pas au monde chinois, n’y arrivera pas », prévient Adriana Archambault à l’adresse des candidats à l’aventure. Cela dit, note Stéphane Peden, « l’arrêt de l’activité n’est pas forcément un échec en soi, au contraire, cela permet de mieux repartir ».

« Créer une entreprise prend ici beaucoup de temps, il faut s’accrocher, parce que Taiwan n’est pas un pays qui s’apprivoise facilement, à l’inverse de Singapour ou Hongkong dont on fait le tour en six mois », souligne la directrice. En revanche, Taiwan étant un petit pays, il est plus facile d’y accéder rapidement aux dirigeants d’entreprise et aux décisionnaires au sein de l’Etat. « C’est très important, insiste-t-elle, parce que cela permet d’avancer. »

Si Taiwan n’est pas exactement le paradis de la micro-entreprise pour les étrangers, l’île dispose d’avantages manifestes qui militent en faveur d’une implantation locale pour les micro-entrepreneurs, surtout avec l’aide du centre d’affaires.

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